L'avalasse en furie.
Par Jean Erich René
4 déc. 06
Haïti bascule définitivement dans la violence aveugle. On ne peut plus compter les victimes. Les bandits tirent sur n'importe qui: les enfants, les adultes, les policiers et les soldats de l'ONU etc.
...Cette terreur, comme on se plait à le répéter, n'est pas seulement l'expression d'une forme de frustration causée par la misère. Le paradoxe d'Haïti c'est notre attentisme béat.
En cette période de l'avent nous tournons tous nos regards vers le ciel en attente d'un messie qui viendrait nous sauver de la catastrophe. Nous sommes nostalgiques d'un passé révolu c'est à dire qui n'existe plus et c'est ce qui nous fait souffrir davantage. Nous commettons la grave erreur de restreindre délibérément la notion de Grand Homme à Dessalines, Christophe, Pétion, Toussaint sans tenter de les prendre comme étalons de mesure.
Nous nous enorgueillissons seulement des prouesses des Héros de l'Indépendance. en ressassant sans cesse leurs discours sans pour autant prolonger leurs lignes d'action pour sauvegarder au moins la souveraineté nationale.
Le prétendu Louverturien se contente de se gargariser de l'idéologie du Premier des Noirs sans jamais dégager son cadavre des poussières du Fort de Joux. Le soi-disant Dessalinien martèle ses propos tout en s'enlisant dans les bourbiers du Pont Rouge. Le Christophien dans un narcissisme stérile plonge ses regards figés d'émerveillement sur les mûrs du Palais de Sans Souci et de la Citadelle Laferrière. Nous avons la triste impression qu'il n'existe plus en Haïti des Hommes capables de grandes réalisations. Toute la gloire nationale se conjugue au passé au milieu des fantômes auxquels on prête encore des âmes. Dans un tel état d'esprit le pays n'ira jamais de l'avant.
L'action des Hommes et des Femmes d'Haïti est indispensable pour améliorer les conditions de vie de la population. Pour apporter le changement souhaité il faut agir mais en pensant d'abord. Nous avons déjà entrepris de renverser des gouvernements successifs, nous avons changé à plusieurs reprises les couleurs de notre drapeau ou inversé le sens du bicolore national, il n'en est rien résulté. Dans un sourd piétinement, c'est toujours le même miserere poignant qui se répercute encore avec un accent funèbre. Nos Hommes politiques ont pris le mauvais pli d'instituer des révolutions sanguinaires et restrictives des libertés citoyennes.
Par paresse ils revêtent les habits surannés de nos dictateurs déchus pourtant tant décriés, sans s'efforcer de s'adapter à la nouvelle conjoncture. En dépit de leurs discours pompeux et prolifiques, il n'y a aucun projet constructif sérieux. Malgré leurs interventions parfois à l'allure savante, ils s'encrassent dans la routine la plus rétrograde. Leur programme de gouvernement n'est qu'un ramassis confus de données économiques, sociales et politiques reconduites textuellement sans aucune mastication. D'où l'impossibilité de leur déglutition. On ne peut pas percevoir le souffle vivifiant de l'action qui va concrétiser dans la glaise du réel les objectifs visés. On en profite pour exploiter la cécité des électeurs et l'ignorance de la masse qui , méfiante de nature, est plus réceptive au fond qu'à la forme .
C'est pourquoi il est plus facile à n'importe quel oiseau empanaché de remporter le palme. Ainsi s'écoule, pendant plus de deux cents ans, notre existence de Peuple. Sous les coups répétés et continus des mandataires forains, l'Etat d'Haiti a perdu progressivement ses repères et le symbolisme de son identité. A cause de l'impéritie chronique de nos dirigeants successifs, nous sommes reconnus aujourd'hui, preuves à l'appui, comme le pays le plus pauvre de l'hémisphère et le plus corrompu du monde.
Notre mal serait moindre, si au moins nous prenons conscience de l'état déplorable de la Nation haïtienne. Dans ce pays déstabilisé on ne voit aucune sortie de crise. Comme des acrobates qui bravent le danger, les dirigeants actuels poursuivent effrontément leurs pirouettes exposant ainsi la barque nationale à toutes sortes d'écueil. Les gangs de rue s'enracinent de plus en plus. Comme une armée de fourmis légionnaires, ils s'éparpillent à travers la Capitale haïtienne qu'ils placent maintenant sous leur coupe réglée. Ils ont déjà investi les banlieues de Port-au-Prince. Désormais la vie n'est plus tranquille à Pétion-Ville, Laboule, Fermathe etc. ... Cité Soleil le plus grand bidonville d'Haïti devient un foyer de tension permanent.
Le trafic de la drogue demeure l'enjeu principal des gangs. L'argent sale finance l'achat des armes et nourrit la population marginalisée. Les Port-au-Princiens sont en train de vivre dans un vrai nid de serpents. Les bandits n'ont aucun respect pour la vie. Ils sont déterminés à frapper n'importe qui, n'importe comment et à n'importe quel moment. Ils constituent un univers bizarre qui s'apparente à la jungle. Le programme DDR ou Désarmement, Désinsertion, Réinsertion loin d'affaiblir l'action des bandits n'a fait que rehausser leur puissance. Tout d'abord il est curieux d'apprendre que le représentant de la présidence au DDR est un criminel notoire recherché par la police. Certains malfaiteurs responsables des échauffourées des rues de Port-au-Prince sont répertoriés au niveau des agents de sécurité du Palais National.
Si on négocie avec les bandits c'est parce qu'on les connaît. Si on les connaît sans porter la main à leurs collets c'est parce qu'on est du sérail et qu'on a besoin de leurs services. Entre le loup et le chien la différence n'est pas grande, surtout lorsque les deux s'entendent et cheminent ensemble pour réaliser leur forfait. Le Premier Ministre Jacques Edouard Alexis est mythomane. Il invoque des arguments spécieux pour justifier sa proximité avec les bandits. Presque tous les pays du monde négocient avec des bandits, avance-t-il. En tout cas, ce ne sont pas vos camarades Vladimir Poutine ni Nidel Castro! Il y a des cas exceptionnels relevés lors d'une prise d'otage par des groupes armés mus par une idéologie politique.
Dans le cas d'Haïti il s'agit de voleurs de grand chemin qui arraisonnent les passants et qui se livrent à des combats de rue pour s'approprier une plus grande part du marché de la drogue. Jacques Edouard Alexis, pour se dédouaner face à l'opinion publique, a eu le toupet de faire allusion aux négociations entreprises en 1994 par les Américains avec le Général Raoul Cédras. En une telle occurrence, Jacques Edouard Alexis a perdu le sens de la mesure. Le Peuple haïtien a besoin d'un Chef de Gouvernement capable d'assurer sa sécurité et soulager sa misère mais non d'un caïd qui négocie avec les bandits en prévision des prochaines élections présidentielles. Le matador ce n'est pas celui qui a accepté à louer sa maison aux Américains afin de se procurer une rente substantielle pour vivre dans la dignité sur sa terre d'exil.
Le vrai criminel c'est ce matamore à qui l'Ambassade du Canada a refusé son visa d'entrée parce qu'il est trempé. par personnes interposées dans une affaire de bombes.
Comme un virus filtrant le banditisme, sous l'excitation du pouvoir politique, se propage à travers tout le pays. En poursuivant les gangs à Cité Soleil, ils ressurgissent en toute impunité à la Croix des Bouquets, Martissant, Arcahaie, Source Matelas etc.. L'ampleur que prend actuellement le phénomène ne laisse entrevoir aucune chance de solution. Chaque jour de nouveaux cadavres sont découverts sur le macadam et dans les égouts.
Le pouvoir des bandits se mesure à l'échelle de leur degré de violence. Les ravisseurs demandent une valeur absurde que souvent les parents des victimes ne peuvent pas payer. Parfois même quand les rançons sont versées, ils torturent, estropient leurs victimes avant de les tuer. On peut comprendre dès lors que l'argent n'est pas le but unique du kidnapping. Des indices probants nous persuadent que les gangs servent aussi des intérêts politiques sous-jacents. On cherche à tout prix à créer le chaos en signe de représailles à l'impossible retour du leader charismatique. Les rapts d'enfants et de personnalités de toutes sortes créent un sentiment de panique et de dégoût qui étouffe la vie sociale à Port-au-Prince.
Il nous faut un gouvernement qui s'occupe de notre sécurité et de nos droits. Lorsqu'on est impliqué dans le banditisme on est comme sur un terrain miné. On doit s'attendre à être étripé à tout moment par un éclatement. Les responsables nationaux invitent les résidents à vivre en symbiose avec les bandits. L'honneur et la délicatesse de notre conscience nous interdisent d'accepter ce comportement délinquant comme un fait accompli.
L'instrumentalisation du banditisme à des fins politiques défraie la chronique. Le Gouvernement Préval/Alexis ne manifeste et ne manifestera aucune velléité d'arrêter cette tuerie. La population de Port-au-Prince est en train de vivre l'épisode le plus attendrissant du Feuilleton de Lespwa:
"L'avalasse en furie."
mardi 11 septembre 2007
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